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ANNE LE TROTER

"DE L'INTERPRÉTARIAT"

VERNISSAGE LE JEUDI 15 SEPTEMBRE DE 16H A 21H
ET LE VENDREDI 16 SEPTEMBRE DE 18H À 21H - VERNISSAGES DU GRAND BELLEVILLE

EXPOSITION OUVERTE DU 14 SEPTEMBRE AU 14 OCTOBRE 2016
LE PUBLIC EST RECU AVEC JOIE DU MERCREDI AU SAMEDI
ENTRE 14H ET 20H OU SUR RENDEZ-VOUS T +33 6 75 66 20 96
ARNAUD DESCHIN GALERIE, 18 RUE DES CASCADES 75020 PARIS

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En poussant la porte d'un espace laissé en déshérence quelques temps durant, il n'est pas rare d'avoir l'impression que les murs résonnent encore sourdement des cris et chuchotements de leurs anciennes fonctions. Car si, selon la formule consacrée, l'inconscient est structuré comme un langage, il est également traversé de forces pulsionnelles dont le symbolisme ne demande qu'à s'exprimer. Il suffirait alors d'un accompagnement minimal, quelques indices concrets ici et là nous renseignant sur l'ancienne fonction du lieu, nous permettant d'ancrer les sensations volatiles dans le réceptacle concret réclamé par l'esprit cartésien moderne, pour que jaillissent les récits. 

Créer des « espaces de projection de langage » : telle est précisément l'essence des installations in situ d'Anne Le Troter, dont les pièces sonores explorent, approfondissent et fictionnalisent une situation quotidienne donnée. Au 18 rue des Cascades à Belleville, où vient tout juste de s'installer la galerie Arnaud Deschin, originellement sise à Marseille, l'artiste découvre d'anciens espaces de bureaux. Les murs en béton ont connu des jours meilleurs, tandis que le plafond en laine de roche semble parler couramment le jargon managérial. Or le langage standardisé est une obsession récurrente chez Anne Le Troter. Déjà, « Les mitoyennes », son exposition monographique à la BF15 à Lyon l'an passé, s'élaborait autour des protocoles d'élocution des enquêteurs téléphoniques. Pour De L'interprétariat, sa première exposition parisienne, ce sera cette fois la mécanique langage médical et paramédical qu'elle mettra en espace. Un registre lui permettant de faire se croiser et se télescoper le passé de visiteur médical du galeriste ; ses propres souvenirs à écouter un radiologue dicter les ordonnances à sa secrétaire ; et enfin, la découverte, près du quartier de Montmartre qu'elle a habité, d'une rue entière dédiée aux échoppes de techniciens dentaires. 

C'est aux Beaux-Arts qu' Anne Le Troter commence à s'intéresser au langage - et plus précisément, à son versant incarné et oralisé. Pratiquant alors la sculpture, elle se met à s'enregistrer en train d'évoquer à haute voix les actions qu'elle effectue, ainsi que les réflexions que lui éveillent le processus. Peu à peu, les mots prennent le pas sur les choses, et deviennent l'élément plastique principal, lui-aussi ductile et façonnable. De L'interprétariat est l'occasion de mettre en perspective l'activité de production même du langage, dont il est aisé d'oublier les ressorts matériels. A un Tristan Tzara proclamant en 1924 dans les Sept Manifestes Dada que « la pensée se fait dans la bouche », Anne Le Troter semble ici rétorquer que la parole naît sur les dents. La genèse de l'exposition naît ainsi des entretiens hebdomadaires menés avec un prothésiste dentaire, et se construit au fur et à mesure de la relation de confiance qui se tisse peu à peu : celui-ci lui montre les ficelles du métier, lui prête ses outils et lui confie certains objets – un dentier, ou encore un nuancier colorimétrique des différentes teintes d'émail. 

Dans la galerie, la présence en creux de quelques indices visuels focalisent l’œil pour mieux libérer l'écoute : les aspérités des murs de béton ont été comblées en injectant de la résine, selon la technique employée par les prothésistes. Un espace scénique émerge, plaçant le visiteur en condition pour appréhender les pièces sonores, le cœur de l'intervention, qui se déclenchent dès que l'on franchit le seuil de la galerie. Longues d'une quinzaine de minutes, celles-ci explorent les spécificités de l'idiome médical, tout comme l'impact de la dentition sur l'élocution. Dans un centre de radiologie, Anne Le Troter a récupéré les archives d'enregistrement sur cassettes, les dernières avant que le centre ne passe définitivement au numérique en 2011. Sur celles-ci, le radiologue dicte le compte-rendu de son interprétation des clichés, à destination de la secrétaire qui ensuite le tape à la machine avant d'effacer la bande par souci de confidentialité. Or tels des sédiments ou des samples, certains fragments de compte-rendu, mal effacés, subsistent et s'entrecroisent : dans cette polyphonie accidentelle, les termes propres aux échographies, mammographies ou radiographies se tissent aux réflexes linguistiques oralisant l'écrit à grand renfort de « virgule », « à la ligne » ou « point ». Anne Le Troter numérise et monte alors la matière des sept cassettes qu'elle a récupérées, en en réorganisant le déroulé temporel. Face aux portraits de patients que s'adressent les différents acteurs d'un corps de métier dont le langage codifié, pour l'oreille profane, ne renvoie à aucune réalité concrète, libre à l'imagination de chacun d'associer des images à ces sonorités purement formelles.

En détachant le langage de son adresse et en en éclairant les tréfonds de ses conditions physiologiques de possibilité, Anne Le Troter fait se dresser le spectre d'un ancestral fantasme d'automation : la machine à parler, depuis les premières tentatives de Joseph Faber au début du XIXe siècle qui mit au point « Euphonia », une tête humanoïde reproduisant les organes humain du discours, jusqu'à son homologue contemporain Siri, dont les séduisantes mélopées, pour désincarnées qu'elles soient, nous rappellent que la voix, sans doute plus que tout autre attribut visuel, et même lorsqu'elle n'est reliée à aucun corps, reste imbibée de l'irrépressible réflexe ontologique qui nous fait reconnaître et ressentir un humain comme tel. 

Ingrid Luquet-Gad

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PROCHAINEMENT

Private Choice - Paris

ARNAUD DESCHIN GALERIE PARTICIPE À PRIVATE CHOICE
AVEC DES ŒUVRES DE :
JEROME CAVALIERE, BORIS CHOUVELLON ET LAURENT PERBOS
DU 17 AU 23 OCTOBRE 2016
7 AVENUE FRANKLIN D. ROOSEVELT, PARIS 8E.
www.privatechoice.fr

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DAVID EVRARD
"I LIKE IT RAW"
EXPOSITION DU 21 OCTOBRE AU 26 NOVEMBRE 2016
VERNISSAGE LE JEUDI 20 OCTOBRE DE 18H À 22H
NOCTURNE DE LA FIAC

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